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LE PETIT JARDIN DES ECOLIERS 61 (Jardiner à l'école)
3 mai 2020

Texte poignant de Coline Serreau qui ne mâche pas ses mots…

31fd872_VPpg7JDNV1speXoFq09guwW8Dimanche 22 mars. Coline Serreau**, réalisatrice de trois hommes et un couffin, mais aussi de films visionnaires, écolos, humanistes et généreux comme La belle verte ou La crise.

LE MONDE QUI MARCHAIT SUR LA TÊTE EST EN TRAIN DE REMETTRE SES IDÉES A L’ENDROIT

Le gouvernement gère l’épidémie comme il peut… mais les postures guerrières sont souvent inefficaces en face des forces de la nature. Les virus sont des êtres puissants, capables de modifier notre génome, traitons-les sinon avec respect, du moins avec modestie.

Apprenons à survivre parmi eux, à s’en protéger en faisant vivre l’espèce humaine dans des conditions sanitaires optimales qui renforcent son immunité et lui donnent le pouvoir d’affronter sans dommage les microbes et virus dont nous sommes de toute façon entourés massivement, car nous vivons dans la grande soupe cosmique où tout le monde doit avoir sa place. La guerre contre les virus sera toujours perdue, mais l’équilibre entre nos vies et la leur peut être gagné si nous renforçons notre système immunitaire par un mode de vie non mortifère.

Dans cette crise, ce qui est stupéfiant c’est la rapidité avec laquelle l’intelligence collective et populaire se manifeste.

En quelques jours, les français ont établi des rites de remerciement massivement suivis, un des plus beaux gestes politiques que la France ait connus et qui prolonge les grèves contre la réforme des retraites et l’action des gilets jaunes en criant haut et fort qui et quoi sont importants dans nos vies.

Dans notre pays, ceux qui assurent les fonctions essentielles, celles qui font tenir debout une société sont sous-payés, méprisés. Les aides-soignantes, les infirmières et infirmiers, les médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics, le personnel des écoles, les instituteurs, les professeurs, les chercheurs, touchent des salaires de misère tandis que des jeunes crétins arrogants sont payés des millions d’euros par mois pour mettre un ballon dans un filet.

Dans notre monde le mot paysan est une insulte, mais des gens qui se nomment « exploitants agricoles » reçoivent des centaines de milliers d’euros pour faire mourir notre terre, nos corps et notre environnement tandis que l’industrie chimique prospère.

Et voilà que le petit virus remet les pendules à l’heure, voilà qu’aux fenêtres, un peuple confiné hurle son respect, son amour, sa reconnaissance pour les vrais soldats de notre époque, ceux qui sont prêts à donner leur vie pour sauver la nôtre alors que depuis des décennies les gouvernements successifs se sont acharnés à démanteler nos systèmes de santé et d’éducation, alors que les lobbies règnent en maîtres et arrosent les politiques avec le fric de la corruption.

Nous manquons d’argent pour équiper nos hôpitaux, mais bon sang, prenons l’argent où il se trouve, que les GAFA payent leurs impôts, qu’ils reversent à la société au minimum la moitié de leurs revenus. Car après tout, comment l’ont-ils gagné cet argent ? Ils l’ont gagné parce qu’il y a des peuples qui forment des nations, équipées de rues, d’autoroutes, de trains, d’égouts, d’électricité, d’eau courante, d’écoles, d’hôpitaux, de stades, et j’en passe, parce que la collectivité a payé tout cela de ses deniers, et c’est grâce à toutes ces infrastructures que ces entreprises peuvent faire des profits. Donc ils doivent payer leurs impôts et rendre aux peuples ce qui leur est dû.

Il faudra probablement aussi revoir la question de la dette qui nous ruine en enrichissant les marchés financiers. Au cours des siècles passés les rois de France ont très régulièrement décidé d’annuler la dette publique, de remettre les compteurs à zéro.

Je ne vois pas comment à la sortie de cette crise, quand les comptes en banque des petites gens seront vides, quand les entreprises ne pourront plus payer leurs employés qui ne pourront plus payer les loyers, l’électricité, le gaz, la nourriture, comment le gouvernement pourra continuer à gaspiller 90% de son budget à rembourser une dette qui ne profite qu’aux banquiers.

J’espère que le peuple se lèvera et réclamera son dû, à savoir exigera que la richesse de la France, produite par le peuple soit redistribuée au peuple et non pas à la finance internationale. Et si les autres pays font aussi défaut de leur dette envers nous, il faudra relocaliser, produire de nouveau chez nous, se contenter de nos ressources, qui sont immenses, et détricoter une partie de la mondialisation qui n’a fait que nous appauvrir.

Et le peuple l’a si bien compris qu’il crie tous les soirs son respect pour ceux qui soignent, pour la fonction soignante, celle des mères, des femmes et des hommes qui font passer l’humain avant le fric.

Ne nous y trompons pas, il n’y aura pas de retour en arrière après cette crise.

Parce que malgré cette souffrance, malgré ces deuils terribles qui frappent tant de familles, malgré ce confinement dont les plus pauvres d’entre nous payent le plus lourd tribut, à savoir les jeunes, les personnes âgées isolées ou confinées dans les EHPAD, les familles nombreuses, coincés qu’ils sont en ville, souvent dans de toutes petites surfaces, malgré tout cela, le monde qui marchait sur la tête est en train de remettre ses idées à l’endroit.

Où sont les vraies valeurs ? Qu’est-ce qui est important dans nos vies ?

Vivre virtuellement ? Manger des produits issus d’une terre martyrisée et qui empoisonnent nos corps ?

Enrichir par notre travail ceux qui se prennent des bonus faramineux en gérant les licenciements ?

Encaisser la violence sociale de ceux qui n’ont eu de cesse d’appauvrir le système de soin et nous donnent maintenant des leçons de solidarité ?

Subir une médecine uniquement occupée à soigner les symptômes sans se soucier de prévention, qui bourre les gens de médicaments qui les tuent autant ou plus qu’ils ne les soignent ? Une médecine aux ordres des laboratoires pharmaceutiques ?

Alors que la seule médicine valable, c’est celle qui s’occupe de l’environnement sain des humains, qui proscrit tous les poisons, même s’ils rapportent gros. Pourquoi croyez-vous que ce virus qui atteint les poumons prospère si bien ? Parce que nos poumons sont malades de la pollution et que leur faiblesse offre un magnifique garde-manger aux virus.

En agriculture, plus on cultive intensivement sur des dizaines d’hectares des plantes transformées génétiquement ou hybrides dans des terres malades, plus les prédateurs, ou pestes, les attaquent et s’en régalent, et plus il faut les arroser de pesticides pour qu’elles survivent, c’est un cercle vicieux qui ne peut mener qu’à des catastrophes.

Mais ne vous faites pas d’illusions, on traite les humains les plus humbles de la même façon que les plantes et les animaux martyrisés.

Dans les grandes métropoles du monde entier, plus les gens sont entassés, mal nourris, respirent un air vicié qui affaiblit leurs poumons, plus les virus et autres « pestes » seront à l’aise et attaqueront leur point faible : leur système respiratoire.

Cette épidémie, si l’on a l’intelligence d’en analyser l’origine et la manière de la contrer par la prévention plutôt que par le seul vaccin, pourrait faire comprendre aux politiques et surtout aux populations que seuls une alimentation et un environnement sains permettront de se défendre efficacement et à long terme contre les virus.

Le confinement a aussi des conséquences mentales et sociétales importantes pour nous tous, soudain un certain nombre de choses que nous pensions vitales se révèlent futiles. Acheter toutes sortes d’objets, de vêtements, est impossible et cette impossibilité devient un bonus : d’abord en achetant moins on devient riches.

Et comme on ne perd plus de temps en transports harassants et polluants, soudain on comprend combien ces transports nous détruisaient, combien l’entassement nous rendait agressifs, combien la haine et la méfiance dont on se blindait pour se préserver un vague espace vital, nous faisait du mal.

On prend le temps de cuisiner au lieu de se gaver de junk-food, on se parle, on s’envoie des messages qui rivalisent de créativité et d’humour.

Le télétravail se développe à toute vitesse, il permettra plus tard à un nombre croissant de gens de vivre et de travailler à la campagne, les mégapoles pourront se désengorger.

Pour ce qui est de la culture, les peuples nous enseignent des leçons magnifiques : la culture n’est ni un vecteur de vente, ni une usine à profits, ni la propriété d’une élite qui affirme sa supériorité, la culture est ce qui nous rassemble, nous console, nous permet de vivre et de partager nos émotions avec les autres humains.

Quoi de pire qu’un confinement pour communiquer ? Et pourtant les italiens chantent aux balcons, on a vu des policiers offrir des sérénades à des villageois pour les réconforter, à Paris des rues entières organisent des concerts du soir, des lectures de poèmes, des manifestations de gratitude, c’est cela la vraie culture, la belle, la grande culture dont le monde a besoin, juste des voix qui chantent pour juguler la solitude.

C’est le contraire de la culture des officines gouvernementales qui ne se sont jamais préoccupées d’assouvir les besoins des populations, de leur offrir ce dont elles ont réellement besoin pour vivre, mais n’ont eu de cesse de conforter les élites, de mépriser toute manifestation culturelle qui plairait au bas peuple.

En ce sens, l’annulation du festival de Cannes est une super bonne nouvelle.

Après l’explosion en plein vol des Césars manipulés depuis des années par une maffia au fonctionnement opaque et antidémocratique, après les scandales des abus sexuels dans le cinéma, dont seulement une infime partie a été dévoilée, le festival de Cannes va lui aussi devoir faire des révisions déchirantes et se réinventer. Ce festival de Cannes qui déconne, ou festival des connes complices d’un système rongé par la phallocratie, par la corruption de l’industrie du luxe, où l’on expose complaisamment de la chair fraîche piquée sur des échasses, pauvres femmes porte-manteaux manipulées par les marques, humiliées, angoissées à l’idée de ne pas assez plaire aux vieillards aux bras desquels elles sont accrochées comme des trophées, ce festival, mais venez-y en jeans troués et en baskets les filles, car c’est votre talent, vos qualités d’artiste qu’il faut y célébrer et non pas faire la course à qui sera la plus à poil, la plus pute !

Si les manifestations si généreuses, si émouvantes des peuples confinés pouvaient avoir une influence sur le futur de la culture ce serait un beau rêve !

Pour terminer, je voudrais adresser une parole de compassion aux nombreux malades et à leurs proches, et leur dire que du fin fond de nos maisons ou appartements, enfermés que nous sommes, nous ne cessons de penser à eux et de leur souhaiter de se rétablir. Je ne suis pas croyante, les prières m’ont toujours fait rire, mais voilà que je me prends à prier pour que tous ces gens guérissent. Cette prière ne remplacera jamais les soins de l’hôpital, le dévouement héroïque des soignants et une politique sanitaire digne de ce nom, mais c’est tout ce que je peux faire, alors je le fais, en espérant que les ondes transporteront mon message, nos messages, d’amour et d’espoir à ceux qui en ont besoin.

Coline Serreau

**
Coline SERREAU a donné son nom à l’une des salles de formation musicale du Conservatoire de Tyndo à THOUARS :

http://www.projets-thouarsais.fr/wp-content/uploads/Biographies_fiches_noms-des-salles-TYNDO.pdf

Coline Serreau a passé de nombreux séjours à Thouars dans son enfance. Fille de l’écrivain Geneviève Serreau et du metteur en scène Jean-Marie Serreau, elle possède un bagage artistique varié puisqu’elle a fait des études de Lettres, a fréquenté le Conservatoire National Supérieur de musique (Musicologie et Esthétique), a été l’élève de Jean Langlais à la classe d’orgue de la Schola Cantorum. Elle a en outre fréquenté pendant vingt ans l’École du cirque d’Annie Fratellini (où elle a appris le trapèze).Attirée par le théâtre, elle entre comme apprentie comédienne au Centre National de la Rue Blanche, elle est stagiaire à la Comédie-Française, puis travaille avec Romain Bouteille et Coluche avant de s’orienter vers l’écriture pour le cinéma et le théâtre, la mise en scène au théâtre, au cinéma et à l’opéra, et la direction de choeur.

En 1975, elle réalise son premier film « Mais qu’est ce qu’elles veulent » et connaît un ‐ vrai succès auprès de la critique en 1977 avec son second film « Pourquoi pas », qui réunit Sami Frey, Mario Gonzales et Christine Murillo. En 1981 elle réalise « Qu’est‐ce qu’on attend pour être heureux ». En 1985, « Trois Hommes et un couffin » apparaît sur les écrans. Avec plus de 12 millions d’entrées, et 2 Césars, il compte parmi les records du nombre d’entrées pour un film français.

Elle réalise ensuite « Romuald et Juliette », « La Crise » (César du cinéma du meilleur scénario), « La Belle Verte » (2,5 millions de téléchargements sur le net, en 15 langues), « Chaos » (1 César), « 18 ans après », « Saint–‐Jacques… La Mecque », « Solutions locales pour un désordre global », « Tout est permis » pour le cinéma, et « Couleur locale » pour France 3 avec Isabelle Nanty en 2014.

Elle a joué dans de nombreux spectacles dont : « Comme il vous plaira » de Shakespeare et « Le cercle de craie Caucasien » de Bertolt Brech dans la cour du Palais des Papes à Avignon.

Elle a joué « Lapin Lapin », « Quisaitout et Grobêta » (cinq Molières) et « Le Salon d’été », pièces dont elle est l’auteur, pendant de nombreuses saisons à Paris et en tournée dans toute la francophonie.

En 2006, elle joue Arnolphe dans « L’école des femmes » de Molière, spectacle qu’elle a mis en scène au théâtre de la Madeleine et joué pendant un an.
Elle a mis en scène à l’Opéra Bastille « La Chauve‐Souris » de Johan Strauss, « Le Barbier de Séville » de Rossini, spectacles créés en 2000 et 2002, repris de nombreuses fois, et « Manon » de Jules Massenet.

Elle a été deux ans présidente de l’ARP, l’association des réalisateurs producteurs.Elle a été présidente de l’Académie Fratellini, école nationale supérieure des arts du cirque, et centre d’art où elle a mis en scène en 2009 « Hip envolée hop » et en 2010 « Cirkipop », spectacles mêlant circassiens et danseurs hip-hop.

Elle a publié son théâtre chez Actes‐Sud, ainsi qu’un livre sur l’académie Fratellini, le scénario de « La Belle Verte » et le livre « Solutions locales pour un désordre global ».

Chez Flammarion elle a publié le roman « Saint Jacques la Mecque ». Les éditions Iconoclastes publieront son roman « Fragments » en 2015. Tout au long de sa vie elle a photographié et dessiné. Elle a exposé ses « Photopeintures » dans diverses expositions. Elle a composé la musique de quelques-uns de ses films et
dirige depuis 2003 la Chorale du Delta qui donne de nombreux concerts à Paris, Venise, dans la Drôme et dans les pays de Loire. En 2015 elle a tourné pour France 3 un film sur le résistant « Pierre Brossolette » (1ère diffusion le 26 mai 2015) et prépare un long métrage de cinéma : »Avis de tempête » Elle a reçu le Grand prix de la SACD en 2004.

Elle est nommée officier (94) puis commandeur (99) de l’ordre des Arts et Lettres. Elle est nommée en 2004 chevalier de l’ordre
national de la Légion d’honneur. Elle est nommée chevalier (90) puis officier (2011) de l’ordre National du Mérite

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